La pluie!!!
Il arrive que parfois, la pluie tombe aussi par ici!
Ce matin elle était là, dans le ciel, par dessus le toit!!
Enfin, la haute Providence
Qui gouverne à son gré le temps,
Travaillant à notre abondance,
Rendra les laboureurs contents.
Sus, que tout le monde s'enfuie!
Je vois de loin venir la pluie,
Le ciel est noir de bout en bout,
Et ses influences bénignes
Vont tant verser d'eau sur les vignes
Que nous n'en boirons point du tout.
L'ardeur grillait toutes les herbes,
Et tel les voyait consumer
Qui n'eût pas cru tirer des gerbes
Assez de grain pour en semer;
Bref, la terre en cette contrée,
D'une béante soif outrée,
N'avait rien souffert de pareil
depuis qu'une audace trop vaine
Porta le beau fils de Climène
Sur le brillant char du Soleil.
Mais, les dieux, mettant bas les armes
Que leur font prendre nos pêchés,
Veulent témoigner par des larmes
Que les nôtres les ont touchés.
Déjà l'humide Iris étale
Son beau demi-cercle d'opale
Dedans le vague champ de l'air,
Et, pressant mainte épaisse nue,
Fait obscurcir à sa venue
Le temps qui se montrait si clair...
Payen, sauvons-nous dans ta salle,
Voilà le nuage crevé.
Oh comme à grands flots il dévale!
Déjà tout en est abreuvé.
Mon Dieu! quel plaisir incroyable!
Que l'eau fait un bruit agréable,
Tombant sur ces feuillages verts!
et que je charmerais l'oreille,
si cette douceur nonpareille
Se pouvait trouver en mes vers!...
Regarde à l'abri de ces saules
Un pélerin qui se tapit:
Le dégoût perce ses épaules,
Mais il n'en a point de dépit.
Contemple un peu dans cette allée
Thibaut, à la mine hâlée,
Marcher froidement par compas:
Le bonhomme sent telle joie,
Qu'encore que cette eau le noie,
Si ne s'en ôtera-t-il pas.
Vois de là dans cette campagne
Ces vignerons, tout transportés,
Sauter comme genêts d'Espagne,
Se démenant de tous côtés;
entends d'ici tes domestiques
Entrecouper leurs chants rustiques
D'un fréquent battement de mains;
Tous les coeurs s'en épanouissent,
et les bêtes s'en réjouissent
Aussi bien comme les humains.
Saint-Amant(1594-1661)